Chiudere la finestra / Fermer la fenêtre / Close window

Le Variations-Études sur une berceuse op. 48

The Variations-Études sur une berceuse op. 48

Les Variations-Études sur une berceuse op. 48



Comment naquirent les Variations-Études sur une berceuse op. 48 de Rolande Falcinelli...

Qui se prendrait à imaginer une maman attendrie sur le berceau de son bébé, en écoutant ces Variations sur la célèbre berceuse française « Dodo, l'enfant do, l'enfant dormira bientôt » dédiées « À ma fille Sylviane »... se tromperait lourdement sur mon âge.

En 1972, lorsque l'oeuvre vit le jour, j'étais déjà étudiante au Conservatoire de Paris. Si l'oeuvre m'est dédiée, c'est qu'elle résulte d'une plaisanterie de ma part. En effet, ma mère professait qu'un improvisateur doit toujours se tenir prêt à créer sur-le-champ son propre matériau thématique si le thème qui lui est soumis s'avère par trop indigent.

Une mésaventure survenue au Canada l'avait fort marquée : elle avait prévenu de son souhait d'improviser une Symphonie en quatre mouvements, et le brave prêtre canadien qui s'était cru à même de fournir le support pour ladite improvisation, lui avait donné en tout et pour tout un motif de quatre notes. On sait bien qu'une forme peut être cyclique, mais tout de même... Inutile de dire qu'elle avait alors improvisé les quatre mouvements en imaginant ses propres thèmes! Néanmoins, ajoutait-elle, il faut savoir faire plaisir à la personne qui vous a fourni le support annoncé, en le faisant clairement entendre à un moment ou à un autre.

Un jour, nous discutions donc du risque auquel s'expose tout improvisateur au cours de ses tournées, lorsque les thèmes sont fournis par des amateurs, et par blague, je lui lançai: « Serais-tu capable de tirer quelque chose de Dodo, l'enfant do ? », thème qui, on en conviendra, représente le degré zéro de l'inspiration et n'offre aucune aspérité à laquelle l'imagination d'un créateur moderne pourrait s'accrocher.

Aussitôt dit, aussitôt fait, ma mère se leva, alla à l'instrument et me fit entendre une très inventive improvisation sur la fameuse berceuse. L'idée fit son chemin,et la compositrice se dit que ce pourrait être un beau défi que de broder des textures bien personnelles autour d'un tel thème.

À l'époque, elle sortait de la réalisation de son ouvrage pédagogique L'Initiation à l'orgue (Ed. Bornemann/Leduc), achevé en octobre 1970 et publié en 1971, pour lequel elle avait composé une progression de douze pièces courtes mais toutes extrêmement soignées quant à la qualité d'expression musicale; elle tenait à ce que les étudiants, de quelque niveau soient-ils, trouvent un vrai plaisir artistique à travailler des morceaux dits « pédagogiques », catégorie qui recouvre bien souvent des pages arides ou inintéressantes.

Elle imagina donc de poursuivre la démarche au-delà des degrés proposés aux étudiants de L'Initiation à l'orgue, en concevant des variations brèves autour du fameux thème si simple, lesquelles compenseraient la pauvreté du matériau par l'imagination déployée dans les polytonalités, polyrythmies, contrepoints, harmonisations très chargées, dont le thème se verrait environné. De plus, chaque variation serait centrée sur une difficulté bien précise, la rendant apte à une utilisation pédagogique, mais dans un contexte destiné cette fois aux concertistes et non plus seulement aux étudiants.

Les Variations-Etudes sur une berceuse furent composées en décembre 1972 et janvier 1973, et créées par l'auteur à Paris le 4 juillet 1973. Un disque 33 tours chez REM (toujours par l'auteur) et l'édition chez Combre suivirent, quelques années plus tard.

Sylviane Falcinelli




Deux interprètes, un Américain et un Suédois, nous donnent leur point de vue:





How I met Rolande Falcinelli’s music

It is ironic that I have been called both a “pioneer for new music” and “an artist with an uncanny old-world perspective for interpretation” simultaneously. Ultimately, these thoughts are not so far removed from each other. For more than 2 decades my own appetite for all that is the most creative, the most imaginative, and the most innovative of our time has been fed by 29 concert tours throughout the world, playing upon everything from the oldest historic instruments to the newest modern organs. From this, I couldn’t imagine myself any less curious or eclectic as a consequence. The greatest lesson I have learned is to continuously look beyond what is normal, what is in the center, and what is ordinary, but with respect for that from which all else has come.

My own passion for new music has caused me to seek out what is not the mainstream, and in many ways. It is for this reason that I not only commission many new organ works from today’s best composers, but also seek out that which deserves to be heard often and, for various reasons, may not be. I discovered the organ music of Rolande Falcinelli in my teenage years through an LP recording of hers that I found in Paris, on which she performs 3 of her own works, each different from the other: Le Sermon sur la montagne op. 46, Triptyque op. 11 and a very characterful small work entitled Variations-Études sur une Berceuse op. 48 which especially intrigued me.

As a fan of film and theater, I appreciate in an actor the efforts of developed, methodical skills and disciplined preparation. But the difference between a fine actor and great actor lies within the innately gifted person who, having done these things meticulously, can then simply let go. There are but a handful of organists and organ composers for whom this free flight became the very definition of their own language and expressivity. Upon a closer look at the music of Rolande Falcinelli, it becomes clear to the intuitive artist quite quickly that she was such a magician of her art.

Although a relatively understated work, her Variations-Études sur une Berceuse embodies, directly and seriously, all that was already summarized by her teacher, the great master Dupré. But there is more than this; there is a personal aura about her character audible through the music of a unique soul. To play this work, for me, is comparable to seeing the entirety of a person by looking into their eyes as through a window. Beyond this window, imagine a mind, an aesthetic, a true genius pouring out through only the most effortless and natural of means.

I played Rolande Falcinelli’s Variations-Études for the very first time in 1992 at Rockefeller Chapel, The University of Chicago. More than one dozen additional performances throughout both the USA and Europe have followed, most recently during my concert at St. Ignatius Loyola Church, New York City on 10 January 2007.

The controversial British pianist Joyce Hatto was once quoted in The Boston Globe as saying, “Our job is to communicate the spiritual content of life as it is presented in the music. Nothing belongs to us; all you can do is pass it along.” This could never have been more true than for Rolande Falcinelli, a monumental force who creatively contributed a profound surge into the never-ending, ever-present bloodline that is real art at its most evolved and inspired. I feel it a necessary obligation to promote all that reaches such a pinnacle, and it is with great honour that I have performed Falcinelli’s music. May I have so many more such immense fortunes throughout my own musical life.

Stephen Tharp
www.stephentharp.com





Quelques réflexions personnelles à propos des Variations-Etudes sur une berceuse Op. 48 (Editions Combre, Paris) de Rolande Falcinelli:

J’ai eu le privilège de faire la connaissance de Madame Falcinelli quand j’étais enfant. C’était en 1978, quand elle fut invitée pour la première fois en Suède par mon père Torvald Torén, pour donner un concert dans son église (Hedvig Eleonora) à Stockholm. J’ai toujours admiré l’art de Rolande Falcinelli. Ce n'est que beaucoup plus tard que j’ai entendu pour la première fois les Variations-Études sur une berceuse, à l’occasion d’un festival d’orgue à Stockholm où un élève de mon père jouait cette pièce en concert. J’avais bien remarqué que c’était une très belle pièce, mais sans en percevoir la complexité technique. J’ai commencé à travailler les Variations-Études après avoir rendu visite à Madame Falcinelli à Pau, il y a quelques années. Au cours de ce travail, j’ai découvert la richesse et la complexité de cette pièce, et cela devint un challenge intéressant et agréable.

La musique de Rolande Falcinelli montre une savoureuse fantaisie correspondant très bien avec son intellect, ainsi qu’une grande connaissance de l’écriture et de l’instrument qui donne à cette musique une richesse et une profondeur fascinantes. L’originalité d’écriture fait que l'on découvre toujours de nouvelles choses à chaque nouvelle écoute. Rolande Falcinelli utilise les registrations d’une manière très raffinée, en adéquation avec l'expression musicale. La pièce demande de préférence un orgue de style néoclassique avec les claviers de 61 notes et le pédalier de 32 notes.

La forme de ces Variations-Études comporte le thème, 9 courtes variations, et finalement une réapparition du thème.

Variation 1
Cette variation demande une précision du staccato dans les différentes voix d’accompagnement. La mélodie, qui se présente à l'alto, est parallèlement jouée legato.

Variation 2
Le thème se présente ici à la partie supérieure de la double pédale ainsi qu'au sommet du dessin de la main droite. L'agilité manuelle demande de bien orienter les poignets.

Variation 3
Les doigtés manuels exigent de notables extensions tandis que la partie de pédale (en trois contre deux) se tient dans l'aigu.

Variation 4
La difficulté réside dans la polyrythmie (deux contre trois contre quatre) ainsi que dans les grands intervalles aux manuels et à la pédale.

Variation 5
Cette variation au caractère de scherzo demande, comme la première variation, un staccato bien précis.

Variation 6
La difficulté consiste ici à conserver la pureté du legato dans la complexité de l'écriture en doubles notes à chaque main. On conseillera de bien suivre les doigtés indiqués par l'auteur.

Variation 7
Cette variation a la forme d’un petit fugato où il faut jouer les doubles croches bien égales.

Variation 8
La partie de main gauche requiert une certaine virtuosité dans la vélocité de ses traits en doubles croches. Parallèllement il faut bien prendre ses repères pour les larges intervalles de la pédale.

Variation 9
Le thème se présente ici très orné à la main gauche (sur le Cornet), accompagné par les harmonies altérées de main droite et par une double pédale. Il faut à la fois garder une pulsation naturelle et surtout jouer avec une grande souplesse.

D'ailleurs, la souplesse doit être la préoccupation essentielle pour réussir l'interprétation de toute l'oeuvre.

Ce CD Priory est le deuxième que j'enregistre sur l’orgue Van den Heuvel de l’église Katarina à Stockholm. Déjà, dans mon premier CD (Ifo-records) entièrement consacré à la musique française, je donnais trois extraits du Petit Livre de Prières de Rolande Falcinelli. Je suis très reconnaissant à Madame Falcinelli, ainsi qu'à sa fille Sylviane, de tous les bons conseils que j'ai reçus quant à l’interprétation de ces pièces.

Marcus Torén
www.marcustoren.com





Marcus Torén avec Rolande Falcinelli (gauche) - Marcus Torén avec Rolande et Sylviane Falcinelli (droite)
Pau, 3 Août 2003 (coll. privée Marcus Torén)





Un nouveau disque:

GREAT EUROPEAN ORGANS No. 70 – Marcus Torén plays the Van den Heuvel Organ of the Katarina Church, Stockholm – PRIORY PRCD 852

André Campra arr. Virgil Fox Rigaudon (from Idoménée). Erland von Koch Cantilena e Vivo. Jean Langlais Movements from Hommage à Frescobaldi: Élévation, Fantaisie, Thème et variations. Hilding Rosenberg Fantasia e Fuga C. Johann Sebastian Bach arr: Virgil Fox Arioso (Cantata No. 156). Johann Sebastian Bach arr: Virgil Fox Nun danket alle Gott (Cantata No. 79). Jean-Jacques Grunenwald Hommage à Josquin-des-Prés. Harald Fryklöf Symfoniskt stycke. Rolande Falcinelli Variations-Études sur une berceuse, Op. 48. Petr Eben Finale (Sonntagsmusik).


Après le CD paru chez IFO il y a quelques années, qui avait déjà fait fortement remarquer ce jeune et talentueux interprète suédois, le label anglais Priory Records nous offre l’occasion d’écouter à nouveau Marcus Torén aux grands orgues Van den Heuvel 2000 de la Katarina Kyrka de Stockholm.

Le programme du CD est axé, cette fois, sur trois chapitres:

- transcriptions de Virgil Fox d’œuvres de Bach et Campra
- œuvres des compositeurs suédois
- musique virtuose pour orgue du XXème siècle.

On retrouve ici l’aisance technique qui lui permet de maîtriser sans efforts ce répertoire et qui lui donne la liberté de se concentrer avant tout sur la Musique.
La profonde musicalité est, d’ailleurs, une marque très personnelle du jeu de Marcus Torén et, à l’écoute, on ressent clairement le résultat du grand travail de réflexion et d’intériorisation qu’il apporte à chaque pièce.
Son sens aigu du chant (Elevation de Langlais, Arioso de Bach/Fox …) le destine tout naturellement aux œuvres qui réclament l’alliage technique supérieure-poésie (et qu'il serait vain de tenter de pénétrer par la seule virtuosité), tout d’abord les Variations-Etudes de Rolande Falcinelli mais aussi l’Hommage à Frescobaldi de Langlais qu’on aurait aimé entendre dans son intégralité. À noter que depuis l'enregistrement LP par l'auteur, cette très élégante version des Variations-Etudes de Rolande Falcinelli est la première disponible en CD.

Une petite remarque négative à propos de la prise de son: l’orgue souffre d’une localisation spatiale trop éloignée et étouffée qui nuit à la perception naturelle des plans sonores et à la clarté des mélanges de timbres.

Un CD hautement recommandé à tous nos lecteurs.

Andrea Borin









Copyright © 2011 www.falcinelli.info · Design by Andrea Borin