Reportage da Napoli: le sessioni di registrazione di Jean Guillou.
Gli ammiratori di Jean Guillou non potevano che dispiacersi del silenzio discografico intercorso dalla pubblicazione nel 2003, per l'etichetta Philips, del CD Mozart registrato al Chant d'Oiseaux (Bruxelles) nell'agosto 2002, e rotto soltanto dalla pubblicazione, nel 2007, del disco live della nostra Associazione Augure.
Il 2008 vedrà il grande ritorno di Jean Guillou nel catalogo Philips e sarà anche l'occasione per conoscere meglio uno strumento concepito dal Maestro ma mai documentato in disco: l'organo del Conservatorio San Pietro a Majella di Napoli.
Sylviane Falcinelli ci offre un racconto delle sedute di registrazione che si sono svolte tra fine Dicembre 2007 e i primi giorni di Gennaio 2008 e che daranno vita a due CD: il primo dedicato alle grandi opere di Liszt e il secondo a opere di Schumann e di Brahms (maggiori dettagli nella sezione discografia di Jean Guillou).

Jean Guillou's Neapolitan recording sessions: a chronicle.
Jean Guillou's fans have been feeling unhappy about the silence which has followed the release, in 2003, by the Philips label, of his Mozart CD, recorded in August 2002 at Chant d'Oiseaux (Bruxelles) and that was partly broken only in 2007 by the publication of our Augure Association's live CD.
This is expected to change during 2008 by Jean Guillou's coming back to Philips, which is going to release two new CDs: the first devoted to Liszt's great organ works and the second to Schumann's and Brahms' (further information in the Jean Guillou's discography section). It will be also the occasion to highlight an instrument designed by the Maestro but never recorded on disc: the organ of the Naples San Pietro a Majella Conservatoire.
Sylviane Falcinelli reports on the recording sessions which went on over the end of December 2007 and the beginning of January 2008.

Témoignage napolitain: Jean Guillou en sessions d'enregistrement

Les admirateurs de Jean Guillou ne pouvaient que déplorer le silence discographique ayant suivi le CD Mozart enregistré au Chant d'Oiseaux (Bruxelles) en août 2002 et publié en 2003 par Philips. Seule rompait ce silence la parution en 2007 du disque « live » publié par notre Association AUGURE.
L'année 2008 signera le grand retour de Jean Guillou au catalogue Philips, donnant par la même occasion un coup de projecteur sur un instrument conçu par le Maître mais encore jamais entendu au disque: celui du Conservatorio San Pietro a Majella de Naples.
Rappelons qu'après bien des vicissitudes, cet instrument connaissait un relevage complet par Francesco Zanin et se trouvait enfin inauguré par son concepteur le 1er Juin 2007.

Associée à l'organisation de cette production, je prends ici la liberté d'adresser aux lecteurs quelques échos prolongeant le vécu d'une expérience artistique mémorable.

Nous avions reçu du Directeur du Conservatorio, Vincenzo De Gregorio, l'autorisation d'investir les lieux durant les Vacances de Noël et de transformer la salle en studio d'enregistrement. Heureuse opportunité (aussi rare en Italie qu'en France !) que d'enregistrer dans une salle de concert... On sait avec quel bonheur Jean Guillou a pu livrer de somptueux accomplissements sur un autre de « ses » orgues, celui de la Tonhalle de Zürich !

Nous partîmes au lendemain des Messes de Noël qu'assurait le titulaire de Saint-Eustache, et, dès sa descente d'avion, le Maître se précipitait au Conservatorio pour répéter, choisir les incomparables mélanges de timbres dont il allait parer les programmes Schumann-Brahms et Liszt faisant l'objet de deux disques, et préparer sur le séquenceur électronique à peine moins de 340 combinaisons. Ignorant la fatigue accumulée au fil des Offices des 23, 24, 25 Décembre, il travailla quatre heures d'affilée cette après-midi du 26 Décembre, et poursuivit l'élaboration de sa palette sonore le lendemain au même rythme soutenu (voir ci-dessous les photos prises en répétition le 27 Décembre 2007).

En le voyant effectuer des journées de huit heures sur le banc d'orgue, sans jamais que se relâche son attitude impeccable (alors que la colonne vertébrale pourrait demander grâce, mais essayez donc de parler de repos ou simplement de pause à Jean Guillou !...), en observant l'intensité de sa concentration lors des répétitions, j'ai conscience d'assister à la mise en oeuvre d'un phénomène bien connu des lois psycho-somatiques : l'empire de l'esprit sur le corps. Oubliés les contingences de l'âge et les rappels à l'ordre de la machine physique: le corps est transcendé, la bulle de concentration l'isolant du monde est palpable, la pesanteur de la faillible matière charnelle semble abolie par l'investissement de l'âme dans un travail repoussant les limites d'une quête insatiable, une immatérielle jeunesse s'empare des facultés physiques et les plie à l'objectif convoité.

Jeunesse inaltérable par l'esprit de renouvellement dont témoignent les derniers fruits de son activité de compositeur, par le fécond jaillissement de ses improvisations semblant sourdre d'un gisement intarissable de musique intérieure, nous l'avons maintes fois constaté; s'y ajoute la même sève imaginative lorsqu'il se prend à recréer sur « son » orgue une palette d'audacieux « complexes » de timbres appliquée à des oeuvres l'ayant accompagné tout au long de sa carrière. Par instants, le fugitif affleurement d'un sourire intérieur (expression souvent observée lors de ses concerts) illumine ses traits quand une inflexion musicale ou une trouvaille sonore satisfait enfin son exigence, éphémère approbation accordée au dialogue intime qu'il poursuit avec la musique inlassablement questionnée.

Car ce n'est pas au ré-enregistrement de pièces maintes fois jouées par notre musicien que nous allons assister, c'est bien à une nouvelle lecture qu'il nous convie, dans l'effervescence d' idées modelées en harmonie avec les potentialités insoupçonnées de l'instrument qu'il révèle.

À l'issue de cette journée et demie de répétitions, arrive à son tour Jean-Claude Bénézech, le fidèle preneur de son, l'incarnation du « son Guillou » au disque: avec une infaillible sûreté d'évaluation acoustique, il déploie le matériel nécessaire à une prise de son multipistes à sept micros. La fidélité de son enregistrement au son réel entendu dans la salle ne mérite que des éloges.

On sait que Jean Guillou n'est pas de ces artistes découpant les oeuvres en lamelles pour assembler au montage un froid puzzle de prises aseptisées. Animé d'un souffle large, il joue avec impétuosité, sans fatigue apparente, les pièces entières et procède par longues prises. L'audition du discophile, plus microscopique et susceptible de nombreuses réécoutes, impose, certes, une perfection là où une fausse note glisserait au concert sans altérer l'impression générale. Lorsqu'un « pépin » surgit, Jean Guillou ne se cantonne pas au passage à problème, il reprend largement, afin de retrouver la dynamique; je me souviens d'un jour où il aurait suffi de réenregistrer un « raccord »; Jean Guillou me répondit: « Non, non, je reprends toute la pièce » et ajouta en plaisantant: « Ne soyons pas mesquins! ». Derrière la blague se profilait la générosité avec laquelle il se donne à la musique, trouvant dans cette immersion son propre épanouissement.

D'ailleurs, imprégnée de ses interprétations en concert des pièces que nous sommes venus enregistrer à Naples, j'ai veillé, dans l'exercice de ma fonction de directrice artistique, à mettre l'artiste en condition de recréer la liberté de ses inspirations de concertiste, et à retrouver dans le choix des différentes prises les émotions précieusement mémorisées lors de tel ou tel moment de grâce au contact du public. Il s'agissait de fixer pour la postérité, non une perfection glacée, mais la substantifique moëlle des lumineuses intuitions additionnées au fil d'un vécu toujours en éveil au contact des chefs-d'oeuvre.

Artiste instinctif, Jean Guillou reconnaît ne pas être juge de ce que communiquent ses interprétations: en ce sens, le dialogue noué entre lui et l'oreille extérieure que je m'efforce d'être à son service – nourrie de son parcours dans les mêmes oeuvres et de l'observation de son jeu, prompte à accueillir les nouvelles inspirations – s'avère particulièrement constructif. Nous rebondissons d'exigence en exigence, et le meilleur service que l'on puisse rendre à un artiste de cette classe, ce n'est pas de se comporter en béni-oui-oui, c'est de l'accompagner dans son exigence, d'être au diapason de sa volonté de dépassement, de perfection.

Quelques moments illustrent particulièrement son tempérament artistique: le 29 décembre 2007, enregistrant dans la foulée deux prises complètes de la première des « Six Fugues sur le nom de BACH », il en donne deux versions très différentes, chacune parfaite dans la mise en lumière d'un caractère de l'oeuvre. Sa première prise est un modèle d'architecture classique; la seconde, plus émouvante (c'est celle-ci que nous retiendrons), va chercher au fond des claviers le galbe de chaque voix, monte l'agogique dans une tension plus romantique. Y a-t'il plus judicieuse illustration des deux versants qui se partagent (qui se déchirent ?) la pensée de Schumann au moment où il compose ce recueil ? Je le fais remarquer à Jean Guillou; il me répond: « Pourtant, je n'ai rien cherché à démontrer ». Cela, je le savais déjà: il n'est pas un théoricien cherchant à faire entrer la musique dans le moule d'une thèse à défendre, il est un créateur susceptible de s'ouvrir d'une minute à l'autre aux intuitions qu'il détecte chez ses pairs, les compositeurs l'ayant précédé.

Autre exemple: nous étions restés, je l'avoue, sur une certaine insatisfaction à l'issue du travail d'enregistrement consacré à la « Fantaisie et Fugue sur BACH » de Liszt (dans sa version syncrétique, naturellement). Sur ces entrefaites , Jean Guillou reçut le lendemain (31 Décembre) la visite de quelques membres de sa famille accompagnés d'amis: à midi, pour faire plaisir à ses visiteurs, il se proposa de leur jouer un petit extrait de ce qu'il enregistrait... et, galvanisé par ce public (réduit à 5 personnes, mais public tout de même !), il joua d'une traite le BACH de Liszt avec la fougue, le panache grâce auxquels il enflamme les foules lors de ses tournées de concerts. Nous tenions enfin notre version du BACH (inutile de dire que nous avions laissé les micros ouverts !), et les discophiles entendront l'enregistrement flamboyant de ce concert aussi privé qu'impromptu ! Concertiste dans l'âme, Jean Guillou se sent porté par la communication avec un auditoire, ce qui permet d'ailleurs de publier de saisissants enregistrements captés en public ! Précisons que ce fameux 31 Décembre, il aura joué sans relâche au cours de la journée les quatre grands Liszt de son programme (Orpheus, Prometheus, Fantaisie et Fugue sur BACH, Ad nos ad salutarem undam), sans coup férir, comme d'autres enchaînent quelques petits chorals baroques... Auparavant, il avait virtuellement enregistré la totalité du disque Schumann-Brahms en un jour et demi, et seule une recherche plus poussée de raffinement dans les intentions interprétatives aura conduit à revenir sur deux ou trois courtes pièces les jours suivants.

Il paraît qu'il est né le 18 avril 1930 (du moins, c'est l'état- civil qui le prétend !) et que d'autres sont un peu « calmés » (voire complètement « rangés des voitures », comme disent les gangsters) à cet âge... Nous qui collaborons avec lui ne voyons que le feu attisé par une volonté d'acier, un rythme de travail qui mettrait sur les rotules un quadragénaire, une virtuosité intacte, une jeunesse d'esprit qui nous instille le plus efficace des stimulants et nous condamne nous-même au dépassement de soi pour le suivre dans ce processus d'ascension permanente.

Les premiers jours, Jean Guillou, éternel angoissé, nous avait aiguillonnés de son inquiétude face au planning de cette décade napolitaine. Au contraire, Jean-Claude Bénézech, habitué à l'enregistrer depuis tant d'années, et moi-même, qui l'observe attentivement au travail, étions convaincus que dix jours étaient bien larges pour enregistrer un disque Schumann-Brahms et un disque Liszt, compte tenu des performances d'un tel artiste. Et que croyez-vous qu'il advint ? Une fois effectuées toutes les écoutes de prises et sécurisé tout le matériel enregistré, nous eûmes le temps de « mettre en boîte » bien d'autres trésors, mais – chut ! - c'est une surprise, et nous vous en reparlerons le moment venu...

Sylviane Falcinelli



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