La Rivolta degli organi op. 69

The Organ Revolt op. 69

La Révolte des orgues op. 69
Œuvre pour huit orgues portatifs disposés autour du public, percussions avec un seul percussionniste, un grand orgue et un chef.


Si j’ai décidé de ce titre, c’est parce qu’il fait se converger autour de lui toutes les connotations dont l’étymologie et ses divers usages l’ont doté, tout en élargissant grandement son champ expressif…

Au latin, revolvere, soit revenir, faire un trajet en sens inverse, ou dérouler un manuscrit, le feuilleter, mais aussi consulter un livre, raconter, échanger, s’ajoute le rivoltare italien, qui peut signifier échanger, mais encore rivolgere, adresser, et rivolgimento, bouleversement. Ce sont donc toutes ces racines et cette source sémantique abondante qui m’ont convaincu d’intituler La Révolte une œuvre au fond de laquelle se pourraient découvrir de nombreuses impulsions, de nombreux murmures ou appels plus ou moins contenus.

Il s’agit là, en effet, d’un trajet en sens inverse, puisque j’esquisse, avec ces huit orgues Positifs placés près des auditeurs, le positionnement de l’orgue antique qui se jouait à proximité du public et de ce que serait, s’il était construit, mon projet exposé il y a trente ans, de l’ « Orgue à Structure Variable ».

Intérieurement je déroule le manuscrit des mille épisodes de l’orgue cultuel à travers les siècles, celui aussi de la petite histoire très confuse, secrète et souvent tourmentée, mais également glorieuse ou héroïque des organistes d’église. Je feuillette et fais s’envoler les mille rencontres et les ballottements intriqués d’un titulaire au milieu de sociétés que ni la religion, ni l’art, n’auront policées ; je consulte les Mânes de Monsieur Ktesibios pour essayer de raconter à ma manière les Flûtes et les Chalumeaux des origines et celles de Pan, et retourner aux après-midi du Faune.

Tout cet échange entre ces instruments dispersés qui s’adressent les uns aux autres provoquera peut-être un certain bouleversement de leur nature et, qui sait, une forme de renaissance.

Telle qu’elle se présente et malgré sa poétique insurrectionnelle, l’écriture de cette œuvre pourrait s’apparenter au poème symphonique.

La Révolte des Orgues trouve son origine avec ma conception de l’orgue construit dans la nouvelle salle de concert de Tenerife. C’est en ayant décidé de sa composition, de la taille des tuyaux, de leur emplacement en huit buffets disposés autour du public et de la fourniture de huit claviers supplémentaires, que j’avais conçu le projet de cette composition. Contrairement à sa destination première, elle sera donnée en première audition dans la basilique de Landsberg, près de Münich, le 12 mai 2007, avec, pour interprètes:

l’auteur au grand orgue,
Hélène Colombotti aux percussions,
Johannes Skudlik à la direction

et, comme autres organistes,

Martin Baker (Cathédrale de Westminster)
Winfried Bönig (Cathédrale de Cologne)
Roberto Bonetto (Verona)
Bernhard Buttmann (Nürnberg)
Silvio Celeghin (Padova)
Jürgen Geiger (München)
Giampaolo di Rosa (Porto, Roma)
Jürgen Wolf (Leipzig).


Ce concert sera enregistré par la Radio de Münich. La seconde audition de l’œuvre, prévue pour le 19 juin 2007, en l’église Saint-Eustache à Paris, sera assurée par les mêmes interprètes en important d’Allemagne les huit orgues positifs.

Jean GUILLOU




"La Révolte des Orgues" à Saint-Eustache, 19 Juin 2007

Un OVNI musical s'est posé à Saint-Eustache le 19 Juin dernier, ou bien devrait-on dire quelque météorite tombé en plein Paris et dont l'analyse révèlerait des pépites minérales inconnues sur notre petite planète culturelle ? On conviendra aisément que le concept d'oeuvre spatialisée, s'il se pratique depuis des années dans les champs orchestraux de la musique contemporaine, n'avait jamais connu d'application aussi inédite que l'effectif requis par Jean Guillou pour son opus 69: un grand orgue, huit orgues positifs entourant le public, et percussions.

La Révolte des Orgues est l'oeuvre d'un inventeur et d'un prophète. D'un inventeur parce qu'elle échafaude des combinaisons sonores complètement nouvelles à partir de "matériaux" timbriques encore jamais assemblés ; d'un prophète parce qu'elle ouvre des perspectives radicalement visionnaires sur l'avenir même de l'orgue comme instrument concertant et comme instrument pluriel.On sait que la pensée de Jean Guillou porte ce concept depuis une trentaine d'années, et que le compositeur eut dès lors une vision très précise des espaces novateurs où s'épanouirait l'écriture instrumentale. Le germe s'en trouvait dès les premières ébauches de l'Orgue à Structure Variable, sans cesse perfectionné depuis, et technologiquement réactualisé; une autre forme de concrétisation apparut plus récemment lors de la conception de l'orgue de Teneriffe, avec ses huit buffets avançant autour du public et ses claviers supplémentaires permettant une polyphonie démultipliée autour de la console principale. C'est évidemment en remaniant le manuscrit abandonné lorsqu'avorta la création prévue sur ce nouvel instrument que, à l'instigation de Johannes Skudlik, Jean Guillou donna sa configuration actuelle à cette "orchestration" d'orgues.

On admirera l'oreille intérieure du compositeur architecturant l'équilibre d'un instrumentarium de même catégorie (8 orgues positifs): il donne à chacun sa juste part de détails parfaitement audibles et précisément localisés dans le concept de spatialisation afin qu'il n'y ait jamais de confusion (un tel effectif présentait le danger d'entremêler des lignes indistinctes), même quand les instruments se chevauchent en vagues d'un ressac s'amplifiant. Le grand orgue n'écrase pas ses partenaires mais s'appuie sur un incessant jeu de répliques (toujours la conception dramaturgique de la composition chez Jean Guillou), où ses registrations apportent l'incisivité de tons contrastants tandis que ses diverses tessitures, rôdant autour de celles – forcément limitées – des positifs, créent un espace dans l'espace. L'orgue, on le sait, se distingue par une émission plus nimbée, surtout dans une vaste acoustique, que précisément délimitée (n'importe quel instrumentiste jouant en duo avec orgue doit surmonter cette difficulté) : l'idée d'apporter, par la ponctuation des percussions, le relief d' arêtes vives à l'attaque non percussive des orgues s'avère particulièrement féconde (dans plusieurs de ses Colloques, Jean Guillou a travaillé la relation entre les divers timbres de percussions et l'orgue); par ailleurs, les gerbes d'harmoniques des gongs répandent leur lumière dans l'immense vaisseau où le grand orgue se croyait le seul maître des kaléïdoscopiques combinaisons de mixtures.

De l'avis des auditeurs ayant fait précédemment le voyage à Landsberg pour la création mondiale, l'oeuvre atteignait à Saint-Eustache son plein idiomatisme de timbres: c'est là tout le problème de « l'orchestration » des registres du grand orgue. Imaginerait-on de niveler une orchestration de Stravinsky pour la ramener aux critères du tout-venant, au plus petit dénominateur commun de la palette instrumentale ? Supposition ridicule, n'est-ce pas ? Pourtant, un coloriste de l'orgue aussi novateur et original que Jean Guillou doit encore être tributaire des limitations posées par des compositions d'orgue trop standardisées. On ne s'étonnera donc pas que sa musique se pare de ses plus beaux atours sur des instruments dont la palette est le fruit de ses conceptions, alors que des orgues de facture plus anonyme nous privent de certains éclairages.

Au-delà de la matière sonore – passionnante en soi – déployée par une telle oeuvre, Jean Guillou nous saisit par le renouvellement de son propre langage. Il n'est pas rare qu'un compositeur ayant déjà livré de tels accomplissements derrière lui, ne fasse plus que se prolonger, au-delà d'un certain stade de son parcours. Au lieu de quoi, Jean Guillou, en l'espace de peu de mois, vient de nous donner la version définitive de ce révolutionnaire op. 69, puis son 7ème Concerto pour orgue et orchestre op. 70 dont nous avons déjà parlé sur ce Forum ! Et cette effervescence créatrice rejaillira vers d'autres innovations en gestation... Si l'identité du compositeur se reconnaît évidemment, il n'en est pas moins vrai que La Révolte des Orgues n'emprunte guère aux solutions stylistiques de pages antérieures, et rebondit vers de nouveaux horizons expressifs, dictés par l'invention du concept même. Le naturel de son déroulement formel se construit à partir de cellules génératrices qui provoquent une croissance endogène du discours, et la montée en puissance, en exaltation, de la progression habite une demi-heure d'un seul tenant sans que la notion d'un temps "classique" interfère avec ce flux biologique qui a capturé notre rythme intérieur.Une écriture de détail très fouillée irrigue le processus, depuis les quelques semences initiales jusqu'aux éclats insurgés, et structure cette maîtrise du temps musical qui, d'engendrement en enveloppement, d'exclamations en rencontres tourmentées, emporte l'auditeur.

Autour du compositeur au grand orgue et d'Hélène Colombotti aux percussions, le casting réuni à Saint-Eustache était entièrement germano-italien : Silvio Celeghin, Giampaolo di Rosa, Roberto Bonetto, Franco Vito Gaiezza, Winfried Bönig, Bernhard Buttmann, Jurgen Geiger, Jurgen Wolf, sous la direction de Johannes Skudlik. Tous ont démontré un art consommé de la pratique concertante.

Que le génie du compositeur et celui de l'improvisateur se nourrissent l'un l'autre, c'est un phénomène bien connu chez les grands organistes pratiquant ces deux formes d'expression: nous en reçûmes une preuve supplémentaire à l'issue du concert lorsque, répondant à l'enthousiasme du public, Jean Guillou revint à l'orgue pour nous donner une flamboyante improvisation qui apparut comme le feu d'artifice couronnant l'oeuvre écrite, tant elle prolongeait le climat final de La Révolte des Orgues. La fougue de l'artiste porté par la ferveur de l'auditoire y éclatait avec une puissance démiurgique.

Sylviane FALCINELLI



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Riflessioni su "La Révolte des Orgues"

Le prime due esecuzioni mondiali de “La Révolte des Orgues”, il 12 maggio 2007 a Landsberg am Lech (Chiesa Madre) e il 19 giugno a Parigi (St. Eustache), del compositore Jean Guillou (op. 69), offrono il presupposto all’apertura di una riflessione – peraltro limitata alle poche righe di seguito – impostata su alcune possibili linee di ricerca musicale. Innanzitutto, la disposizione strumentale su cui si basa questa creazione contemporanea, riguarda un grand’organo, otto organi positivi (senza pedale) e un congiunto di percussioni: tale assetto richiede, per logica esecutiva orchestrale, un direttore (ruolo svolto da Johannes Skudlik).

La concezione compositiva rivolgentesi a un numero multiplo di organi inerisce altresì ad una concezione organaria tale che un organo sia suonabile da differenti organisti contemporaneamente su diverse tastiere (forse, non casualmente, questo è proprio l’organo conosciuto ormai con il riferimento a Tenerife!).

Una riflessione seguente riguarda perciò le funzioni – e qui potrebbero entrare già considerazioni pertinenti alla significazione e comunicazione – pensate per gli strumenti e da essi adempiute tramite i loro interpreti-esecutori. Il grand’organo (suonato da Jean Guillou) e le percussioni (Hélène Colombotti) possono essere concepiti – senza indugiare qui in alcuna analisi della partitura – in conformità alle loro multiple identità strumentali: verrebbe da pensare ad una contrapposizione ed intersecazione tra la qualità aerea del suono e quella percossa dalle differenti tipologie percussive.

Aria vibrante e ritmo scandente il susseguirsi temporale in uno spazio ogni volta differente: l’ambito che può essere aperto è una riflessione sull’essenza sonora nello spazio durante il tempo. È un caso dove urge l’intervento – qui impossibile da attuare – della filosofia.

Ma quale è allora la funzione degli otto “piccoli” organi? Questa considerazione potrebbe trovare – forse – una definizione esauriente solo nell’ambito di un approfondito lavoro analitico impostato su un metodo corretto, quale potrebbe esserlo quello considerante l’interattività timbrica del suono organistico attraverso la forma in cui l’opera è concepita. Un tentativo parziale è tuttavia utile, infatti, generalizzando e prescindendo dall’elemento percussivo (il quale pur è attivo, persino dal punto di vista polifonico): si possono porre due ipotesi opposte.

- Gli otto organi positivi sono parte integrante del grand’organo.
In tal caso si deve considerare la formazione di un unico suono organistico dato dalla combinazione plurima dei componenti timbrici di tutti gli organi, la cui matrice formale è peraltro autonomamente trattata (tipico esempio i vari tratti solisti). Poiché nell’atto pratico mutano le disposizioni degli organi, mutando contemporaneamente la registrazione, ne risulta un’essenza sonora (soggetto) distribuita nel luogo (spazio) secondo criteri di ordinamento della forma compositiva (tempo): in definitiva il metodo filosofico s’impone.

- Gli otto organi positivi non sono parte integrante del grand’organo.
In questo altro caso allora si potrebbe ipotizzare che gli organi siano indipendenti fra loro ed in relazione al grand’organo (considerazione non economica a causa della disparità dinamica), o che siano interdipendenti fra loro ma non – per ipotesi – con il grand’organo, tale che si generi una contrapposizione. Poiché il suono formato nel momento attuativo versus ricettivo è un unicum, allora la dialettica, e retorica, compositiva permetterà la realizzazione di un’essenza sonora scaturente da una interazione contrapposta di un soggetto – il grand’organo – con un altro – gli otto organi positivi.

Il risultato non muta in termini pratici, persino essere gli uni contro gli altri produrrà una medesima essenza sonora, pur tuttavia differente al variare della registrazione e della disposizione dei corpi organistici: qui il precedente metodo filosofico viene riqualificato, a parità di risultato, dalla vertente dialettica e retorica sotto le specie dell’interazione metodologica invocata in apertura.

In ciò si ravvisa il concetto fondamentale di disposizione di un organo, riferendosi alla collocazione non solo fisica ma altresì sensibile dei registri, tenendo in considerazione la potenzialitá espressiva realizzata in ogni momento di attuazione interpretativa, quindi sonora e timbrica.

In termini pratici, la prima ipotesi concerne un’applicazione che parte dal suono unitario verso l’origine omogenea, la seconda, invece, una complementare che parte dall’origine eterogenea verso il suono formantesi in modo unitario. Infine, si rammenta che il precedente concetto ricettivo – peraltro complesso e inerente ad un più ampio concetto di fruizione – viene influenzato fisicamente dalla maggiore o minore vicinanza a questo o quello strumento, tale che un’analisi percettiva dell’espressività musicale inerente all’opera è eccezionalmente ardua. La complessità del senso in genere e del senso di questa opera si coniugano bene all’identificazione nominale, essendo gli organi (e le percussioni) appunto, in rivolta.

1/VII/2007
Giampaolo DI ROSA
Ph. D. music
www.giampaolodirosa.com









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