L'organo progettato da Jean Guillou (1980) e costruito da Detlef Kleuker per un'abitazione privata a Angoulême

The organ conceived by Jean Guillou (1980) and built by Detlef Kleuker for a private residence in Angoulême.

L'orgue conçu par Jean Guillou (1980) et construit par Detlef Kleuker dans une propriété privée à Angoulême


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COMPOSITION DE L'ORGUE

2 claviers de 61 notes, pédalier de 32 notes, traction mécanique, boîte expressive du Récit.
Accouplement R./G.O., Tirasses G.O./Ped., R./Ped.

Grand orgue Récit (expressif) Pédale
Principal 8' Bourdon à cheminée 8' Soubasse 16'
Prestant 4' Flûte harmonique 4' Flûte 4'
Flûte 2' Tertiane 2 rangs 1' 3/5 Basson 16'
Mixture 3-5 rangs 2' 2/3 Trompette 8'
Cornet 2-4 rangs Trémolo
Cromorne 8'






JEAN GUILLOU DÉTAILLE SA CONCEPTION DE L'ORGUE D'ANGOULÊME
(Interview réalisée par Sylviane Falcinelli le 12 Janvier 2009)

« Dans le cadre d'un orgue de salon, le champ était tellement limité qu'il fallait avant toute autre considération concevoir un orgue avec sa palette d'harmoniques. Le Principal était donc le jeu auquel adosser l'ensemble. Je n'aurais d'ailleurs peut-être pas choisi un Principal s'il s'était agi d'un autre facteur d'orgues : avec Kleuker, je savais ce que j'allais obtenir, car il avait justement le don d'harmoniser un Principal de telle sorte que le jeu chante, d'autant que je lui demandais des mesures, des tailles, très larges, même sur ce petit instrument; de plus, ses Principaux se caractérisaient toujours par une attaque "labiale" riche en sons harmoniques aigus, ce qui s'avère important.
On connaît mon peu de goût pour les Prestants, mais là, j'ai dû céder encore aux instances du facteur qui, en bon organier allemand, ne pouvait pas se passer de son Prestant [il rit] ! La Flûte de 2' était importante en tant que premier jeu de mutation : elle permet, dans les Sonates en Trio, de jouer en 8' + 2', avec une autre registration au Récit.
La Mixture donnait déjà un étagement d'harmoniques qui produisait quelque chose d'assez complet pour ce qu'on a coutume d'appeler un plenum. Avec le Principal et la Mixture, en ajoutant le 4' et le 2' pour renforcer les rangs, on obtient un plenum complet, offrant une base classique.
Naturellement, il était essentiel de prévoir un Cornet complet, commençant dès le grave. Il commence avec le Nasard et la Tierce, puis intègre déjà le 4 pieds à la deuxième octave, et c'est au deuxième Fa, si je me souviens bien, qu'il devient complet. On peut toujours y adjoindre le Principal 8', puisque le Cornet chante très bien avec le Principal.
Voici donc un jeu de solo très important, et qui complète le plenum : on a là un Grand-Orgue en soi.
Ensuite vient le Cromorne : il s'agissait évidemment d'avoir un autre jeu soliste, en plus du Cornet, mais en même temps un registre qui, ajouté aux autres jeux, compose un Grand-Orgue complet, sonnant largement. En effet, le caractère de ce Cromorne peut très bien se marier avec la Mixture, avec les Fonds. Il ne pouvait s'agir d'un Cromorne dans le genre de celui de Poitiers, par exemple, au cruchement excessif, qui exclut... encore que... je me souviens avoir donné à Poitiers un programme à contre-courant, de musique romantique [Orgue Cliquot de la Cathédrale de Poitiers, 27 avril 1979 : Brahms, Schumann, Mendelssohn, improvisation]: j'avais mélangé le Cromorne aussi avec les Fonds et trouvé d'autres mélanges possibles... Mais enfin, c'est un peu particulier ! Sur notre Kleuker, il ne s'agit certes pas d'un Krummhorn allemand (un jeu beaucoup plus doux, tout à fait "gentil"), mais d'un Cromorne à la française, harmonisé pour ne pas trop ressortir avec ses harmoniques, afin de ne pas exclure le mélange avec toutes sortes d'autres harmoniques.

Au Récit, il s'agissait de réunir les harmoniques, les mutations nécessaires pour faire des registrations de détail. Avec la Flûte Harmonique de 4', nous avons un jeu qui chante vraiment, lui aussi doté d'une présence soliste.
La Tertiane, ajoutée aux 8' et 4', permet un deuxième cornet, si l'on veut. La Tertiane avec le 8' seul constitue aussi une mutation très intéressante pour les Sonates en Trio, pour les registrations de détail.
Enfin, j'ai voulu une Trompette assez "substantielle", à la fois en tant que jeu donnant sa puissance à l'orgue, et en tant que jeu soliste, pour registrer par exemple César Franck avec le Bourdon, ou avec les Fonds. Le Principal, le Bourdon et la Trompette tout seuls (ou avec la Flûte Harmonique de 4') : on a là une registration à la Franck qui présente une certaine plénitude et qui chante fort bien. Il ne s'agit en rien d'une petite trompette de détail, ni d'une trompette allemande, mais d'une trompette à la française, large, chantante, assez ample pour soutenir l'ensemble de l'instrument.

À la Pédale, l'important à mes yeux était d'avoir le Basson de 16' pour bien soutenir l'ensemble. Certes, à la place d'une Soubasse, j'aurais aimé avoir une Flûte de 16' comme à L'Alpe d'Huez, mais le coût et la place dictaient leur loi, et je crois qu'ici, la Soubasse joue bien son rôle de soutien.
Et puis, encore une fois une Flûte de 4' comme jeu de solo, par exemple pour les Sonates en Trio. On peut noter l'absence de 8 pieds, mais il fallait choisir. Pour moi, la Sonate en Trio constitue un critère important: un orgue sur lequel on ne puisse pas jouer de Sonates en Trio, c'est tout de même ennuyeux ! Par conséquent, il fallait de toute manière le 16 pieds, et aussi la possibilité d'avoir en solo 16'+ 4', éventuellement 16'+ 2' mais cela aurait été plus limité; le 4 pieds permet davantage de solutions, donc je peux très bien, avec 16' et 4', jouer une basse qui soit adaptée à toutes les registrations de détail des autres claviers. Mais si on avait opté pour 16' et 8' seulement, on aurait obtenu une basse trop pauvre en harmoniques, qui ne sortait pas suffisamment. Et puis, je crois que ce choix soutient mieux le basson, également.

En somme, avec peu de jeux, on dispose, soit de registrations classiques avec le plenum, et tout ce qui est nécessaire aux Sonates en Trio, soit de registrations solistiques avec le Principal – qui peut intervenir en jeu de solo, lui aussi -, le Cornet, le Cromorne au Grand-Orgue, la Trompette et la Tertiane au Récit. Donc on a là toute une palette importante qui, soit séparément, soit par le biais des accouplements, permet toutes sortes de styles et de registrations. Ainsi, je ne crois pas qu'il y ait de littératures "interdites", ou exclues, sur cet orgue; je pense vraiment que les littératures allemandes aussi bien que françaises sont tout à fait possibles ici.

[L'instrument dégage une noblesse, une riche plénitude, spécialement dans les graves, tout à fait inhabituelles sur un orgue de cette dimension, et l'étoffe sonore de l'ensemble ne fait en rien penser à ce qu'il est convenu d'appeler un "orgue de salon".]

En effet, lorsque vous accouplez le Principal du G.O. et le Bourdon du Récit, vous avez déjà un ensemble de jeux de Fonds qui sonne finalement aussi bien que 5 jeux de Fonds sur beaucoup d'autres orgues !
Ainsi que je le disais, les tailles du Principal sont assez larges pour pouvoir chanter. Mais la progression importe aussi. Car si l'on commence avec une certaine taille dans le grave, il faut à mon avis que la progression soit telle que la largeur s'amplifie pour préserver la sonorité dans l'aigu : le défaut de la plupart des Principaux, c'est que vous jouez le Principal en solo, vous montez dans l'aigu... et parvenu là, vous vous retrouvez avec une espèce de gambe, quelque chose de maigre et d'agressif; c'est ce que je veux éviter à tout prix.
Je recherche un jeu soliste, qui chante sur toute la tessiture ! Cela implique une progression assez considérable dans la taille : à chaque octave, une taille plus large. Même remarque pour le Prestant, naturellement.

Concernant les Anches, je donnais l'esprit, le caractère des jeux, ainsi que le dessin des anches et des languettes (qui ne sont pas les mêmes en Allemagne qu'en France, il s'agissait ici de suivre le dessin français pour les Anches des claviers), ce qui dicte tout de suite le caractère du jeu. Comme j'avais déjà travaillé avec Kleuker, je lui expliquais la personnalité que je voulais donner au jeu, et il en arrêtait ensuite les mesures avec son fournisseur (il ne fabriquait pas lui-même ses tuyaux), lequel avait fabriqué les Anches si réussies de L'Alpe d'Huez.
Le Basson est en revanche une Anche allemande, de type Fagott.

Je ne me souviens plus exactement des reprises de la Mixture, mais il ne doit pas y avoir plus de deux reprises, je pense. Je commence sur le 2 pieds 2/3, je fais en sorte que l'on ait des harmoniques aiguës, or on ne peut pas aller plus haut que le 1 pied 1/3 dans l'aigu, donc je descends pour avoir toujours ce 1 pied 1/3 ; dans le médium, on a 1/2 pied, ensuite on descend.

Lors du concert privé d'inauguration, j'avais joué Franck, notamment : prenons le Troisième Choral, je ne peux évidemment accompagner le solo de Trompette que sur le Principal, qui est certes assez ample ; mais après tout, ce n'est pas plus mal, car cela donne de l'importance aux harmonies. Dans l'absolu, il aurait fallu une Flûte en plus...

[Quels conseils donner aux étudiants pour les aider à préparer des registrations sur cette composition d'orgue?]

D'abord l'économie : ce qui signifie s'abstenir de penser "Il faut que je mette LES mixtures, il faut que je mette LES anches ", de penser par groupes, ce que l'on fait communément. Non ! On peut jouer une oeuvre de Bach, avec juste le Principal et la Mixture, sans rien d'autre. Et puis, comme je l'ai dit, l'ensemble des deux 8 pieds de l'orgue chante déjà bien. Donc, il faut toujours penser le détail : quel est LE jeu – et non LES jeux – qui puisse rendre ceci ou cela ? Il sera précisément intéressant de réfléchir au cas par cas, selon les exemples qui se présenteront sur place avec les élèves. Certainement pourrons-nous trouver des solutions pour beaucoup d'oeuvres.

[Cet instrument reste un prototype, en ceci qu'il est le seul orgue sur lequel ait été appliqué le tempérament par quintes justes du physicien Serge Cordier, qui vise à rendre plus "juste" le tempérament égal (les octaves se trouvent ainsi "élargies" et les tierces tempérées sont néanmoins plus proches de celles pratiquées par les violonistes). Ce tempérament, nourri d'une réflexion sur la justesse orchestrale mais appliqué au piano, a intéressé divers compositeurs dont François-Bernard Mâche. Jean Guillou en reste le plus fidèle propagandiste. Cette session réservera une place à l'enseignement de Paul Dubuisson, successeur de Serge Cordier et lui-même accordeur de pianos. Serge Cordier et Detlef Kleuker partagèrent donc une expérience mémorable.]

Avant toute chose, Serge Cordier a donné l'exact schéma physique de son accord, de telle sorte que Kleuker puisse déjà couper les tuyaux au ton. Car l'écart s'élargissant au fur et à mesure de la montée vers l'aigu, la différence devient assez importante. Du fait que lui, Kleuker, était un grand technicien, il s'est très bien adapté à cette expérience. Les tuyaux étant préparés, ils ont ensuite travaillé ensemble. J'ai assisté à une partie de leur travail, et c'était très curieux car Cordier devenait assez désemparé : en effet, il ne reconnaissait plus son tempérament, car le son du piano émet bien sûr des harmoniques, mais présente tout de même des zones d'inharmonicité. À l'orgue, c'est complètement différent. Et, pis encore, il s'apercevait que, à certains moments, il trouvait l'accord juste, et que, cinq minutes après, le tuyau avait déjà bougé ! Parler de justesse, à l'orgue, est très approximatif car elle n'est pas stable, même si l'instrument ne s'est pas vraiment désaccordé.

[Les mixtures tablant sur les sons harmoniques, qu'en est-il de leur adaptation à ce tempérament ?]

Puisque les Mixtures sont accordées au tempérament juste sur les Principaux, cela ne change rien à la technique d'accord. Une fois accordés les Principaux, le facteur accorde les mixtures sur chaque note. En revanche, d'un point de vue musical, la couleur des harmoniques s'adapte beaucoup mieux, puisque les quintes sont justes. Sur un orgue "normal", les quintes d'une mixture sont fausses par rapport aux quintes réelles, aux quintes de l'accord: vous jouez une quinte au clavier avec une mixture, et les quintes de la mixture ne correspondent pas à la quinte que vous jouez. Avec le tempérament Cordier, l'harmonie devient beaucoup plus cohérente. Detlef Kleuker avait été enchanté de cette expérience; le seul problème, c'est que cela demandait un travail beaucoup plus considérable !

[Franck Mahieu, reprenant l'accord de l'orgue en compagnie de Paul Dubuisson, a dit : "Le son est tout de suite plus vivant".]

Effectivement, et au piano encore plus ! Ce tempérament Cordier fait sonner le piano plus brillant: vous montez dans l'aigu, et le son monte vraiment. Et puis les harmonies deviennent beaucoup plus "lisibles", si j'ose dire, même des harmonies complexes : on les comprend, on les entend beaucoup mieux qu'avec un accord normal. De plus, c'est un tempérament qui est beaucoup plus cohérent si l'on joue avec d'autres instruments.

[Ce tempérament ayant vocation à se rapprocher de celui naturel à l'orchestre, il sera intéressant d'entendre l'orgue angoumois avec violon, ce qui est prévu au cours de la session.]






LE 12 MAI À 21 HEURES, JEAN GUILLOU DONNERA UN RÉCITAL SUR L'ORGUE BEUCHET-DEBIERRE DE LA CATHÉDRALE D'ANGOULÊME


RÉCITAL DE JEAN GUILLOU À LA CATHÉDRALE D'ANGOULÊME
12 MAI 2009


G.FR. HAENDEL: 9ème Concerto op. 7 nr. 3 en si bémol (adaptation à l'orgue et cadences de Jean Guillou)
                          (Andante - Adagio et Fugue réalisé par Jean Guillou - Spiritoso)

ROLANDE FALCINELLI: Prophétie d'après Ezéchiel op. 42

MARCEL DUPRÉ: Prélude et Fugue en ut majeur op. 36 nr. 3

CÉSAR FRANCK: Pièce Héroïque

JEAN GUILLOU: Scènes d'enfant op. 28
                          [œuvre suscitée par une commande des Amis des Orgues de la Charente en 1974]

JEAN GUILLOU: Improvisation










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