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Actualités parisiennes




Tosca au Théâtre des Champs-Élysées

Dans le sillage des représentations turinoises de Tosca, le vaillant directeur musical du Teatro Regio, Gianandrea Noseda emmenait ses troupes (orchestre et chœurs, ainsi que l’une des distributions de l’alternance) à Paris pour redonner le chef-d’œuvre de Puccini en version de concert. Encore imprégnés du travail scénique, les chanteurs jouaient par fines touches leurs rôles au lieu de rester plantés comme des piquets, et leur habileté faisant l’affaire, on préférait cette solution à ce que l’on venait de subir avec la Manon ici chroniquée (pas de chance : la mise en scène de Tosca à Turin, d’après les photos, semblait très respectueuse de l’œuvre, elle !).

Les délires des metteurs en scène ont pour effet de faire ressortir le mérite des versions de concert, ce qui me fait penser à ces lignes, écrites en toute sincérité par Herr Prof. Dr. Norbert Lammert, Président du Bundestag allemand, préfaçant la nouvelle édition du bicentenaire Wagner en cours de réalisation chez le label discographique Pentatone : « Les opéras ont été enregistrés sur le vif, en versions de concert, les artistes pouvant ainsi se concentrer uniquement sur la musique. Ici, seul Wagner – et personne d’autre – a quelque chose à dire. Aucune scénographie ne concurrence le flux musical. Aucune mise en scène ne vient étayer ou rompre la poésie de Wagner. [...] Aucune image pour détourner la réflexion de l’essentiel, de la musique ». On sent là combien Monsieur le Président, en vrai mélomane, a dû souffrir de voir tant d’élucubrations scénographiques contrecarrer la musique qu’il aime !

Mais revenons au concert puccinien. Gianandrea Noseda a embrasé la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Sa direction exubérante brassait les flots d’une éclatante orchestration, son autorité d’airain ne laissait pas le moindre détail hors de son contrôle ; toutes les dynamiques, toutes les vagues d’une théâtralité orchestrale parmi les plus saisissantes de l’histoire de l’opéra, toutes les pépites harmoniques d’une écriture somptueuse recevaient là une interprétation mémorable.


On le savait par d’autres spectacles : sous sa direction, l’orchestre du Teatro Regio s’est hissé au premier plan des théâtres italiens (... et pas seulement italiens !). On entendit ce 24 janvier 2012 un orchestre jouant avec le même relief sonore que n’importe quelle grande phalange symphonique de nos capitales, ce qui n’est pas franchement ordinaire dans le paysage des orchestres lyriques italiens, Scala mise à part ! Au prix de quel travail ! Il suffit d’observer la gestuelle ardente du Maestro – qui "mouille sa chemise", comme on dit vulgairement – et son regard affûté pour comprendre que le soin apporté à la qualité du jeu par chaque instrumentiste est une question vitale sur laquelle il ne concède nul relâchement. La distribution tenait honorablement son rang : on entendit rarement Sacristain aussi plein d’esprit que Matteo Peirone ; le métal de la voix du Géorgien Lado Ataneli projette avec une sûreté appréciable les phrases perverses du terrible Scarpia. ; Riccardo Massi va prochainement aborder le rôle de Calaf, et il en a le format vocal, du type Heldentenor à l’italienne. Le maillon faible venait du rôle-titre : Svetla Vassileva s’investissait avec beaucoup d’émotion dans son rôle, mais elle n’en a pas l’envergure technique ; dès ce piège tendu par Puccini à la chanteuse quelques pages après son entrée en scène, l’octave sur « l’Attavanti ! » (la-la) qui doit être aussi nette et tranchante qu’une lame de poignard, on savait à quelle voix on avait affaire et le la aigu sortait plus crié que lancé : tout au long de la partition, on ressentit cette même incertitude sur les aigus les plus périlleux, dénotant une chanteuse entraînée au-delà de ses moyens réels. Quoi qu’il en soit, la soirée du Théâtre des Champs-Élysées restera, grâce à la puissance de feu de Gianandrea Noseda, comme une des grandes Tosca entendues ces dernières années.




Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam

L’avant-veille, le public des Champs-Élysées réservait un égal triomphe à une autre tournée : celle de l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam. On attendait avec impatience d’entendre l’orchestre sous la baguette de son actuel directeur, Yannick Nézet-Séguin, car on avait gardé quelques souvenirs... cahotiques de concerts sous la direction de son prédécesseur : Valery Gergiev. On sait combien le chef russe peut être charismatique, on sait aussi quelles catastrophes adviennent lorsqu’il oublie de travailler !


© Marco Borggreve


Yannick Nézet-Séguin a fait ses preuves comme "formateur" d’orchestre à la tête de l’Orchestre Métropolitain de Montréal. Aujourd’hui, le monde se l’arrache, de Londres à Philadelphie où il devient directeur de l’un des "big five". Ce premier concert avec Rotterdam (car ils reviendront au Théâtre des Champs-Élysées le 3 juin 2012 pour un programme Brahms-Webern) se vouait tout entier à Ravel. Shéhérazade recevait une interprétation très humaine, vibrante d’intimité intériorisée, par Anna Caterina Antonacci ; seule une flûte, guère enchantée mais jouant au contraire sans élan, introduisait une touche de faiblesse dans la deuxième mélodie. Puis venait le ballet intégral de Daphnis et Chloé, avec le concours des choristes de la Wiener Singakademie. Yannick Nézet-Séguin s’y montra dionysiaque à souhait, avec un souffle – soutenu sur toute la durée de la partition – qui transporta exécutants et auditeurs. Certes, le son de l’orchestre batave nous entraîne assez loin de ce qu’on l’on définit autrefois comme le clair "son français" ; les cuivres y apportent une très présente couleur de bronze, étayés par des cordes chaleureuses. Mais les deux partitions réunies ce soir-là éclairent le côté le plus sensuel de Ravel, et le miel doré peut bien couler à flots dans l’Orient de Shéhérazade ou la Grèce de Longus.




L’audace musicale réside au Musée d’Orsay

Au Musée d’Orsay, l’Auditorium, tout de bois revêtu (ce qui s’avère acoustiquement très favorable), développe sous la responsabilité de Martine Kaufmann une programmation musicale prolongeant les thématiques des expositions. L’attrait de ladite programmation consiste à oser... oui, à oser faire entendre des musiques que l’on ne joue jamais en France ! La saison 2011/12 en offre des exemples extraordinaires d’audace, si on la compare à la frilosité de tant de programmateurs. Passionnée de musique anglaise, eussé-je cru jamais entendre à Paris une si merveilleuse interprétation de Façade que celle offerte le 15 décembre dernier ? Un bref rappel historique : le jeune compositeur William Walton, né dans une famille assez modeste, fut pris sous la protection, durant ses études à Oxford, des frères et sœurs Sitwell, tous poètes et incarnations de l’extravagance des Années folles. Leur aide revêtit pour le jeune Walton une importance aussi matérielle qu’intellectuelle car ses nouveaux amis étaient issus d’une famille de baronets.

www.williamwalton.net/

Osbert, Edith, Sacheverell l’adoptèrent comme un "frère d’élection". Edith devint une poétesse importante dans la littérature anglaise du XXème siècle.
http://en.wikipedia.org/wiki/Edith_Sitwell?oldid=cur
On trouvera sur le site
http://tweedlandthegentlemansclub.blogspot.com/2010/06/edith-sitwell-queen-of-eccentrics.html
une galerie iconographique sur la "reine des excentriques" et ses frères, à laquelle nous nous permettons d’emprunter les illustrations ci-dessous.


Sacheverell Sitwell compta en 1950 au nombre des fondateurs de The Liszt Society (U.K.) – il en fut même le vice-président –, à laquelle on doit notamment l’édition des pièces ultimes du maître hongrois, et il écrivit une biographie de Liszt (1955) qui fut traduite en français chez Buchet-Chastel (1961).
http://en.wikipedia.org/wiki/Sacheverell_Sitwell
http://www.lisztsoc.org.uk/
Osbert associa son nom à une œuvre fameuse de Walton, l’oratorio Belshazzar's Feast, en tant que librettiste.
http://en.wikipedia.org/wiki/Osbert_Sitwell

Tout naturellement, en 1921, William Walton, excité à 19 ans par le modernisme débridé alors en vogue (songez aux créations mouvementées de Parade de Cocteau et Satie, de Ballet mécanique de George Antheil, etc...), se fit un plaisir d’agrémenter de séquences musicales inventives, jazzy, endiablées, langoureuses, épicées, une succession d’une vingtaine de poèmes d’Edith Sitwell, parfaitement représentatifs du nonsense mais construits pour provoquer un effet rythmique par leur diction très synchronisée avec la musique.
C’est dire combien le travail entre les comédiens et les six instrumentistes doit être réglé avec une précision de mécanisme d’horlogerie pour que la fantaisie éclate comme une éclaboussure de gaieté, comme un feu d’artifice d’allitérations et de consonances colorées. Empressons-nous d’ajouter que l’exercice de diction tient de la haute voltige, car ces poèmes sont longs et nécessitent une articulation sans cesse sur la brèche.
Nous fûmes à la fête en cette soirée du Musée d’Orsay ; la diction ciselée de Charlotte Rampling, l’humour plein de bonhomie de Gabriel Woolf, se mariaient au jeu, idéal de fluidité musicale et de jovialité, des solistes issus de l’Orchestre Philharmonique de Radio France : Nels Lindebladt (flûte), Christèle Pochet (clarinettes), Pierre-Marie Bonnafos (saxophone), Bruno Nouvion (trompette), Renaud Muzzolini (percussions), Eric Levionnois (violoncelle). Le jeune timbalier de l’orchestre, Adrien Perruchon, s’était fait chef pour coordonner l’ensemble.
En première partie, Eric Levionnois et la pianiste Catherine Cournot donnaient Six Studies on English folk-songs de Ralph Vaughan Williams (1922) : le violoncelliste, que l’on avait tant apprécié dans le Quatuor pour la fin du temps à Saint-Denis, se montra une nouvelle fois capable d’émouvoir par une pureté chantante éliminant la matérialité de l’attaque d’archet. On a plutôt l’habitude d’entendre les artistes anglais défendre avec foi la musique française, ce soir-là des instrumentistes français donnaient le meilleur d’eux-mêmes pour des pages anglaises rarement feuilletées.
La prochaine étape de la programmation musicale du Musée d’Orsay ne sera pas moins audacieuse. À l’occasion d’une exposition (que l’on recommande vivement) en partenariat avec le Helsinki Art Museum, consacrée au peintre Akseli Gallen-Kallela (1865-1931), ami de Sibelius, l’Auditorium propose un panorama en 8 concerts de la musique finlandaise. D’émérites musiciens français (dont ceux de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, encore une fois) et finlandais ne s’en tiendront pas à Sibelius, mais feront découvrir aux Français (car pour nombre d’entre eux, ce sera une découverte, n’en doutons pas !) Oskar et Aare Merikanto, Leevi Madetoja, Erkki Melartin, Yrjö Kilpinen, Aulis Sallinen, tous noms essentiels dans l’histoire de la musique nordique... mais négligés sous nos méridionales latitudes.
Alors, ne manquez pas cette heureuse conjonction qui ne se renouvellera pas de sitôt !
Suivez la programmation par cette page :
http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/musique.html




Sauvons les Serres d’Auteuil

À l’occasion du Festival "Solistes aux Serres d’Auteuil", l’été dernier, nous vous avions alerté sur la menace d’extension du stade de tennis de Roland-Garros au détriment de ce site classé, fantaisie botanique offerte à la promenade des Parisiens. En 2012, devant jouer la sécurité, Anne-Marie Réby organisera son festival de piano au Parc de Bagatelle, autre jardin botanique aux portes de Paris, mais le combat pour s’opposer par tous les moyens (juridiques et médiatiques) au projet de destruction de plusieurs Serres d’Auteuil continue. Ardemment engagée dans ce juste combat, Lise Bloch-Morhange, porte-parole du "Comité de soutien des Serres d’Auteuil", a organisé une exposition (voir document ci-dessous), fédérant une trentaine d’artistes, amoureux du jardin botanique, qui refusent de le voir amputer et bétonner par la Fédération Française de Tennis : « L’exposition se déroulera du 6 au 17 février à la mairie du 2ème arrondissement, où Jacques Boutault, seul maire Vert ou Vert maire à Paris, nous a ouvert toutes grandes les portes de sa mairie. Bien que militante, l’exposition sera de haut niveau, peintres, dessinateurs, sculpteurs ou graveurs s’étant très librement inspirés du jardin botanique.On y verra aussi 2 films, dont l’un de 15 minutes, "Entretien aux Serres d’Auteuil", présente François-Frédéric Guy interviewé au piano dans le Pavillon Azalées : il évoque les 12 années du festival "Solistes aux Serres d’Auteuil" et joue la Sonate au clair de lune. Cette exposition se situe bien entendu dans la continuité des actions que je mène, avec diverses associations, contre le projet d’extension de Roland-Garros sur le site du jardin botanique : lancement de la pétition "Sauvons les Serres d’Auteuil" à la fin de l’année 2010 (plus de 47 000 signataires sur Internet et sur papier, à ce jour), et "Comité de soutien des Serres d’Auteuil", dont Françoise Hardy est présidente d’honneur.
Depuis le vote de la Fédération Française de Tennis, le 13 février 2011, en faveur de l’extension sur le site, beaucoup de gens croient que l’affaire est jouée, or ce n’est pas vrai ! Nous, associations, allons attaquer chaque étape du projet d’extension, comme nous venons de le faire à l’égard de la CODP (Convention d’Occupation du Domaine Public) signée entre la Ville de Paris et la FFT, convention entrée en vigueur le 1er décembre dernier ».
Cette bataille juridique, menée pied à pied, affiche un double but : retarder au maximum le démarrage du chantier, donc de l’irrémédiable, et, pendant ce temps, éveiller les consciences pour démontrer que la population, attachée à un cadre naturel permanent, n’est pas disposée à le voir sacrifier au profit (très commercial !) de quelques brèves semaines de tennis.
Puisse le succès couronner l’infatigable Lise Bloch-Morhange et ses alliés !




Sylviane Falcinelli











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